La Chasse Aux Oryx Au Sénégal, Le Ministre de l’Environnement et Du Développement Durable Rattrapé Par Son Instinct Animal

( Par Ibrahima NGOM )
« Le braconnage a tendance à se développer dans les pays où la législation est faible et où la corruption est très présente. La corruption est alors considérée par les ONG comme le principal facteur du commerce illégal. Il est facile de contourner les règles quand leur application n’est pas
stricte et les fonctionnaires corrompus ». Source : (WWF, 2012)
La problématique de la protection de la faune doit être traitée avec dextérité partout dans le monde. Car c`est un élément de la famille, base de la société, dont la constitution et les instruments internationaux font l`objet de priorité en matière de protection et de gestion des ressources naturelles. La conception de la protection de l’animal peut être variée d`une société à une autre mais cette protection doit concerner toute  personne consciente des enjeux écologiques.
En effet, dans l’histoire ancienne, les hommes semblaient avoir un droit de vie et de mort sur leurs animaux, mais depuis le  20iéme siècle, un revirement historique s’y opérait coïncidant avec foisonnement de conventions internationales telles que la convention de CITES . Cette  Convention Internationale est le  premier instrument international visant à construire un régime complet d’autorisation et de contrôle du commerce international des espèces inscrites dans ses annexes. En effet, elle a mis en place de 3 annexes :
− L’annexe 1, comprend toutes les espèces «menacées d’extinction». Le commerce de leurs spécimens n’est autorisé que dans des conditions exceptionnelles (Tigre, guépard, baleine …) ;
− L’annexe 2, comprend toutes les espèces « vulnérables » qui ne sont pas nécessairement menacées d’extinction mais dont le commerce des spécimens doit être réglementé pour éviter une exploitation incompatible avec leur survie ;
− L’annexe 3, comprend toutes les espèces protégées dans un pays qui a demandé aux autres
Parties à la CITES leur assistance pour en contrôler le commerce.
Ainsi, poursuivant cette vision écologique, le Sénégal s’est doté d’un code soucieux de la protection de la faune, avant même la conférence de RIO de 1992. Il s’agit du code de la chasse et de la protection de la  faune. Depuis lors, certains animaux sont intégralement protégés d’autres partiellement protégés. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’attitude du Ministre de l’environnement de la République du Sénégal consistant à domestiquer un nombre important de gazelles oryx sauvage est déplorable à tout point de vue et relève de l’instinct animal à l’aune des menaces d’extinction de certaines espèces et du développement durable.
L’ORYX GAZELLE ?
L’oryx gazelle est un animal social et grégaire ; il vit en troupeau de plusieurs dizaines d’individus, composé uniquement de femelles et de jeunes. Les males vivent de leurs cotés. Ces derniers sont sédentaires alors que les femelles sont plus nomades. Ils sont des herbivores et ruminants, donc c’est un mammifère herbivore de la famille des bovidés. Ils sont parfois considérés comme des antilopes alors qu’ils font parti de la famille  des hippotraginés. Leur poids varie de 120 kg à 240 kg selon le genre avec une longueur des cornes droites et pointues ou écartées en « V » d’une dimension de  85 à 100 cm. Ainsi, la couleur du pelage varie, elle peut être grise, sable, fauve claire, rayures noires sur les flancs, face ventrale claire, tête blanche rayée de noir avec une queue noire et touffue. Leur espérance de vie est 15 ans à l’état sauvage jusqu’à 25 en état de captivité. L’espèce peut est capable de se passer d’eau pendant plusieurs mois à conditions d’adapter un comportement économe en eau et d’en trouver dans son alimentation.
L’oryx gazelle vit dans les desserts arides et les semi desserts, les steppes, les zones rocheuses, les dunes de sable.
Selon loi 86-04 du 24 janvier 1986 portant code de la chasse et de la protection de la faune en son article L premier al. 5 est réputé acte de chasse toute action visant  à tuer un animal sauvage ou à le capturé vivant.
L’attitude ou le comportement du Ministre en question révèle l’absence de considérations environnementales mais également la place de la prise en compte de l’environnement dans notre pays au lendemain de la conférence de RIO 92.
Le rôle de l’Etat dans la gestion des ressources naturelles  en vue d’assurer sa pérennité ?
La fin des années soixante marque selon Maurice Kamto, l’émergence d’une sorte de morale écologique inspirée par la redécouverte par l’homme de la beauté et des richesses de la nature et parallèlement, des menaces graves qui pèsent sur elle . Nourrie à l’aune des périls écologiques et du désenchantement à l’égard d’un productivisme débridé, cette prise de conscience a permis l’irruption de la norme environnementale comme principe de civilisation . Il est largement admis que ces dernières années ont vu « le bourgeonnement environnemental5
marque d’un constitutionnalisme ‘’ vert 6’’. Mais l’introduction de l’environnement dans les lois fondamentales ne s’est pas réalisée d’une manière uniforme : à côté des constitutions précurseurs, et celles qui ont « logiquement inséré des références à l’environnement, marque de la fameuse ‘’prise de conscience écologique7’’ impossible à ignorer  » se trouvent celles qui ont tardé voire ne lui ont pas consacré de place particulière. Donc de Stockholm en passant par RIO, les problématiques environnementales irriguent la conscience collective et deviennent un impératif pour l’humanité. C’est la justification de la nécessité de la protection des ressources naturelles. Nonobstant, dans la pratique courante, l’application de la politique de protection intégrale des ressources naturelles au Sénégal n’est pas effective, ce qui revient à décrier l’attitude du Ministre de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD) consistant à extirper des gazelles oryx de leur environnement sauvage pour les domestiquer tout en foulant aux pieds la réglementation en la matière .
Certains animaux sont intégralement ou partiellement protégés théoriquement. Pourtant, cette protection s’est justifiée dans la pratique par l’érection de parcs  et de réserves signifiant la fin ou du moins la limitation drastique  de l’hégémonie de l’homme sur l’animal.
formulation des règles ; que ces dispositions se limitent à leur proclamation, ou qu’elles soient soucieuses d’en aménager le respect ; qu’elles se cantonnent globalement au seul droit de l’environnement, ou bien le déclinent à travers des droits qui s’y rattachent directement ou indirectement » opt cit, pp 640
6Laurence Burgogue-Larsen, « La protection constitutionnelle de l’environnement en droit comparé », Environnement, n° 12, décembre 2012, p. 59.
7Voir Aubin Nzaou, « La constitutionnalisation du droit de l’environnement en République du Congo », Droit de l’environnement, n° 228, novembre 2014, p. 391-396.
Ne partageant pas les mêmes références, les mêmes valeurs, ni les mêmes perceptions que les environnementalistes, le Ministre de l’Environnement et du Développement Durable s’est instinctivement aventuré à la chasse sans permis de chasse, ce qui est une violation substantielle de l’article 24 du code de la chasse.
Le trafic illégal d’espèces sauvages a un effet direct et potentiellement irréversible sur l’environnement. De nombreuses espèces sauvages à haute valeur commerciale ont récemment connu un déclin catastrophique de leur population voir à ce propos la liste rouge établie par l’Union Internationale pour la Protection de la Nature (UICN). A la lumière des inventaires actualisés des taxinomistes, beaucoup d’espèces sont aujourd’hui en risque, menacées ou éteintes localement, comme l’éléphant des forêts dans certaines régions du bassin du Congo.  C’est d’ailleurs les motivations fondant notre réflexion sur ce sujet hautement sensible qui n’honore pas l’Etat du Sénégal dans le concert des Nations civilisées.
1. L’encadrement de la détention de certaines espèces partiellement protégées
L’activité de chasse au Sénégal est régie par le Code de 1986, portant protection de la faune. Dans ce registre, elle est pratiquée dans les conditions fixées par ledit code. Celui – ci  comprend des dispositions relatives aux périodes et méthodes de chasse, aux permis de chasse et de capture, aux zones de chasse, aux professions de chasse (guide de chasse, lieutenant de chasse, pisteurs, etc.), aux amodiations des territoires de chasse, etc. La chasse ne peut pas s’exercer sur les espèces intégralement protégées, sauf dérogations spéciales accordées aux détenteurs de permis scientifiques de chasse ou de capture. Quant aux espèces partiellement protégées, elles peuvent être l’objet d’actes de chasse étroitement contrôlés.
En  effet, les espèces protégées partiellement sont chassées par les titulaires d’un titre de chasse conformément aux dispositions prévues par le décret d’application de la loi portant de code la chasse. Par cet acte, le législateur sénégalais  a compris la sagesse de Pythagore de SAMOS qui émet cette réflexion : « Tant que l’Homme détruira sauvagement des êtres vivants inférieurs, il ne connaîtra ni prospérité, ni paix. Tant que les hommes massacreront les animaux, ils se tueront les uns les autres. En vérité, celui qui a semé le malheur et la mort ne peut récolter la joie et l’amour ». Malheureusement dans le cas d’espèce le Ministre en question est pris en flagrant de délit de chasse illégale ignorant royalement les règles élémentaires gouvernant la chasses des espèces protégées partiellement. Donc son acte pourrait relever de l’instinct animal dans la mesure où dans le milieu sauvage assimilable à l’Etat de nature où l’on note une absence de règles de cohabitation. Par conséquent, le Ministre de l’environnement du Sénégal, peut être considéré et,  à juste raison, comme  un braconnier du fait qu’il s’adonne à un trafic illégal d’espèces sauvages .
2. Les règles de procédure applicable à la protection espèces partiellement protégées ?
La chasse ou la détention des espèces partiellement protégées est régie par des règles très rigoureuses. Ainsi, pour la constatation de l’infraction de la chasse d’espèces partiellement protégées, la loi confère des compétences à des autorités nommément désignées. Ces autorités ont le droit de requérir la force publique et de réprimer les infractions relatives à la chasse. Il s’agit :
a. Les officiers et agents de police judiciaires (article L6)
b. Les personnels assermentés (article L 18)
Les actions et poursuites devant les juridictions pénales compétentes sont exercées directement selon les cas par le Directeur des eaux et forets, les Directeurs des Parcs nationaux ou leur représentant dument cité par le parquet. Il  intervient avant le parquet
– L’obligation de dresser un procès-verbal d’audition ou de constatation d’infraction Aux termes de l’article L6 du code la chasse, les infractions en matière de chasse ou de protection de la faune sont constatées par les PV établis par les agents assermentés revêtus de leurs uniformes ou munis des signes distinctifs de leur fonction. Ainsi, les délits en la matière sont prouvés par les PV, soit par témoin, à défaut ou en cas d’insuffisances de PV dressés conjointement par deux agents assermentés font foi jusqu’à l’inscription de faux ou jusqu’à preuve contraire (article L 11).
– L’initiative des poursuites : le Procureur de la République dans certains cas est dans l’obligation de poursuivre surtout au cas où les parties veulent résolument régler le différend par voie judiciaire : « Toutes les infractions portés au présent titre seront poursuivies d’office par le Ministère Public ». Toutefois l’élan du juge pénal peut être escamoté par un mode amiable de règlement des différends : la transaction environnementale.
− La transaction
Prés que toutes les législations des Etats d’Afrique de l’ouest comportent des dispositions relatives à la transaction. Celle-ci permet, en matière civile et commerciale, de terminer une contestation née ou prévenir une contestation à naître au moyen de concessions mutuelles. Il est toujours permis d’y recourir quand le différend se rapporte à des intérêts privés. Par contre, quand l’ordre public se trouve en jeu, le mécanisme n’est utilisable que si la loi l’a spécialement prévu. C’est justement le cas en matière de protection de la faune et de ses habitats. Les législations ouest-africaines reconnaissent en effet aux administrations chargées de la faune le pouvoir de transiger avec les auteurs d’infractions dans ce domaine.
La proposition de transiger doit émaner de l’autorité administrative chargée de la faune ou de ses représentants habilités à cet effet.
La transaction est un mode de règlement à l’amiable à l’initiative des deux parties au litige. On ne va pas alors devant les juridictions. On va mettre fin au problème en trouvant un accord par un contrat appelé transaction. En matière de faune et de chasse, le article L36 autorise le Ministre en charge de la faune ou à son représentant de procéder à la transaction et au procureur de la république de l’admettre ou de la rejeter. Ces articles disent en clair :
Article : « Toutefois, lorsqu’il admet la possibilité d’une transaction, le Procureur de la République en informe immédiatement le Ministre chargé de la faune ou son représentant
». Au Sénégal, la transaction avant jugement éteint l’action publique selon l’article L.23.
– Les infractions prévues et les sanctions afférentes
Aux termes des articles 26 et 27 du code la chasse, quiconque est pris en flagrant de délit de chasse est puni d’une amende de 60.000 fr à 2.400..000 fr et d’un emprisonnement de 6 mois à 2 ans ou l’une des peines. De même quiconque capture des animaux protégés partiellement sans est puni d’une amende de 24.000fr à 1.200.000fr et d’une peine d’emprisonnement de 6 mois à 2 ans ou l’une de ces deux peines. Donc dans l’affaire du braconnage orchestré par le ministre de l’environnement et du développement durable, si demain, le juge est saisi, la peine doit s’appliquer à sa rigueur car l’infraction a été commise délibérément et ayant entrainé la perte de vie d’espèces protégées.
Justifications du silence de certaines ONG ?
Les animaux sauvages, chassés ou protégés, n’échappent pas à leur utilisation symbolique par l’homme. L’imaginaire collectif associe, voire mélange les figures  humaines et animales depuis l’Antiquité. Par exemple, des fables d’Esope aux caricatures de Daumier, en passant parles comics d’outre-Atlantique, les artistes jouent sur l’animalisation des hommes et l’anthropomorphisme des animaux. C’est peut-être parce que sa conduite, par définition, est supposée échapper à l’emprise humaine, que l’animal sauvage semble avoir le pouvoir de cristalliser dans l’espace et dans le temps les représentations qui lui sont associées. Car l’image sociale  de l’animal nous emmène bien au-delà de ses caractéristiques biologiques objectives…
Paradoxalement l’image du ministre de l’environnement sénégalais voulant garnir sa réserve privée au détriment de celle publique de Ranérou sous le silence éloquent de certaines ONG témoigne d’une barbarie écologique sans ambages. Les espèces sauvages sont essentielles à la biodiversité et par conséquent, leur commerce et détention doivent être régulés. C’est l’objectif principal de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), signée en 1973. Cette convention est l’un des traités environnementaux les plus connus et les plus importants et fait souvent office d’exemple, notamment en raison du grand nombre d’États signataires. Il semble évident que relativement à un problème transnational tel que celui-ci, des actions globales où la plus grande partie de la communauté internationale est impliquée sont nécessaires. Ainsi, par la CITES, les États sont invités à prendre des mesures pour lutter contre ce trafic, mais ce ne sont pas les seuls à jouer ce rôle. Des organisations non gouvernementales (ONG) se sont également imposées comme des acteurs incontournables de la CITES et elles sont plus d’une centaine à participer à la
Conférence des parties à cette convention. Mais plus récemment, c’est l’ONU qui s’est avancée sur le devant de la scène en adoptant le 30 juillet 2015 une résolution historique, la résolution A/RES/69/314, qui constitue la première résolution portant sur la surveillance du trafic des espèces sauvages et qui incite les États à prendre des mesures afin de combattre le trafic illicite d’espèces sauvages. Tous ces acteurs ont pris conscience du besoin pressant de mettre fin au commerce illégal d’espèces sauvages en raison non seulement de ses conséquences irréversibles sur la biodiversité, mais également de ses conséquences économiques. En effet, ce commerce est l’attrait des groupes criminels organisés qui profitent des faibles risques et des gros profits qu’ils en retirent. Leurs actions ne font qu’accélérer le processus de détérioration de l’environnement. Cependant, au Sénégal, les ONG  semblent mettre en veilleuse certains de leurs pouvoirs que le confère le législateur dans la loi 2001-01 du 15 janvier 2001 portant  de code de l’environnement en son article 107. Aux regards de cette disposition, les ONG disposant d’un agrément peuvent saisir le juge lorsqu’une infraction environnementale est notée. Donc l’agrément constitue une condition sine qua none pour se constituer partie civile lors qu’une infraction environnementale est commise.
Bref, le silence des ONG dans cette question de braconnage des gazelles oryx au sommet de l’Etat se justifie par l’absence d’agrément et une inconscience écologique si non par ce qu’elles ont une vision scolastique, dépassée et sclérosée des droits de l’homme.
CONCLUSION
Les développements qui précèdent donnent un aperçu sur la législation régissant la faune au
Sénégal. Mais au -delà,  fustigent l’attitude du ministre de l’environnement et du développement durable consistant à détenir dans sa réserve privée des oryx gazelles foulant aux
pieds d’une part les principes gouvernant la gestion des ressources naturelles et d’autre part le code de la chasse et de la protection de la faune. Ils nous ont permis également de toucher du doigt l’inconscience écologique de certaines ONG qui pourtant avaient bien l’occasion de porter le combat devant les juridictions compétentes.
 IBRAHIMA NGOM
                                                                         Juriste – environnementaliste

 

Author: La Rédaction

362 thoughts on “La Chasse Aux Oryx Au Sénégal, Le Ministre de l’Environnement et Du Développement Durable Rattrapé Par Son Instinct Animal

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