Comprendre Le Capitaine DIÈYE

( Par Thierno DIOP )

Mes amis, je vous aime bien quand je reçois vos ovations en critiquant le régime de Macky Sall, mais parfois vous déconnez quand je me rends compte qu’un délire obsidional vous prédispose à voir le complot partout, au point de ne souffrir la moindre contradiction.

Au sujet du capitaine Dièye, j’avoue que je ne connais de lui que l’image de ce militaire cultivé, au look de faux-naïf et au discours hautement patriotique, qui a choisi de s’engager en politique pour, comme il le dit, changer le sort des armées. C’est un beau discours et jusqu’ici, je ne vois pas qu’il existe chez lui un décalage entre la noblesse du discours et la routine des actes. Le jour où il s’apprêtera à trahir, ne m’avertissez pas ! Car on a connu plusieurs traîtres à travers l’Histoire.
Si c’est à cause de ce qu’il a dit hier soir, à propos de nos relations avec la France qu’on le traîne dans la boue, permettez-moi d’attirer votre attention sur un fait ! Les militaires ne parlent pas beaucoup mais ils connaissent mieux les questions d’ordre géopolitique que des spécialistes qui n’ont pas été sur le terrain des opérations et qui, ne disposant pas de l’information stratégique, délibèrent à partir de concepts parfois caduques.
Dièye vous demande de vous méfiez des vendeurs d’illusions qui compensent leur ignorance par un populisme irrigué de « France Dégage » sans articulation avec le réel sensible et qui le plus souvent mène au « chaos ». Il peut avoir raison. Dennis Sassou Nguesso, qui est aujourd’hui présenté comme le dépositaire des réseaux de Jacques Foccart dans le pré-carré français, a été pendant longtemps un militant marxiste, tout comme Blaise Compaoré a été, à ses débats et bien après, un pro-Kadhafi. L’ancien président libyen est même soupçonné de rôles dans l’assassinat de Thomas Sankara. Mieux, Charles Taylor et le rebelle sierra-léonais Fodé Sankoh, décrits comme des proches de Compaoré, ont reçu leur formation militaire à Bengazi en Libye où ils ont scellé leur alliance pour déstabiliser la sous-région ouest-africaine. Je ne reviendrai pas sur le rôle de Blaise Compaoré dans la crise ivoirienne. Là aussi un présumé ex-compagnon du sergent-chef « IB » révèle que c’est le même Kadhafi qui a donné les moyens financiers colossaux aux rebelles pour déstabiliser le « patriote » Laurent Gbagbo.
Pourtant, nous sommes tous séduits par le pseudo-panafricanisme de Kadhafi, alors qu’en réalité il n’était qu’un pyromane qui replié sur l’Afrique subsaharienne, pour assouvir son désir de revanche sur les royautés arabes.
Cette incompréhension de la réalité nous a amené à prendre Félix Houphouët Boigny pour un « traitre », alors que malgré sa connivence assumée avec la France, il n’était qu’un réaliste. Houphouët, un révolutionnaire à ses débuts qui a fondé le plus grand parti fédéraliste d’Afrique de l’Ouest, le RDA en l’occurrence, pour réussir le miracle ivoirien, devait sceller une alliance gagnant-gagnant avec la France. Celle-ci assure la sécurité de la Côte d’Ivoire, qui se donne assez d’espace pour opérer des performances dans l’agriculture et ravir la vedette au Ghana.
Restons sur le Ghana, pour rappeler la boutade de Nkrumah : « L’Indépendance du Ghana ne vaut rien dans une Afrique désunie ». Pour régler la question de la souveraineté monétaire, économique, alimentaire, il nous faut régler la question de la souveraineté militaire. Or, avec cette Afrique morcelée, nous somme tentés de souscrire au raisonnement du capitaine Dièye. Nous n’avons pas les moyens de notre souveraineté au sens large.
Pour le reste, il est facile d’émettre des jugements de valeur qui sont autant de jugements de Pâris, en traitant les gens de « vendus ».
Par contre, à partir de cette réalité, on peut imaginer d’autres modèles. La plupart des pays arabes dépendent du parapluie sécuritaire occidental, pourtant ils se développent. Etudions le pourquoi avec froideur.
P.S : Durant ces dernières années, la France a perdu bien des places dans nos économies au profit d’acteurs émergents comme la Turquie, la Chine, l’Inde, voire les Emirats Arabes Unis.