COVID19 : Il Nous Faut Un Vrai Plan De Gestion De L’épidémie

Cela fera bientôt trois semaines depuis la mise en place du couvre-feu et des restrictions de voyages entre les régions. La communication gouvernementale se limite au point quotidien sur l’évolution de l’épidémie du Covid19. Ce faisant, le Gouvernement ne donne pas l’air, pour l’heure, d’en savoir plus que les citoyens sur l’agenda des prochaines semaines, encore moins des mois à venir : y aura-t-il un examen du baccalauréat ? A quand la reprise du trafic interurbain ? Quel horizon pour les milliers de citoyens dont les activités sont perturbées ou à l’arrêt ?

Les réponses à ces questions ne tomberont pas du ciel ni des incantations des devins qui peuplaient il y a peu les médias mais qui ont disparu au premier défi de taille à leurs pouvoirs, le Covid19. Pour sortir de cette situation de semi-confinement, il faut une stratégie cohérente, globale et consistante qui semble pour l’instant faire défaut. Ce qui frappe dans les bulletins délivrés quotidiennement à l’opinion par le gouvernement c’est la posture passive qui consiste à constater l’évolution de la situation : guérisons, cas nouveaux signalés par les malades eux-mêmes ou relevés à travers des cas contacts ou, de manière plus inquiétante, à travers les cas dits communautaires. On ne distingue pas une opération à grande échelle de dépistage sur l’ensemble du territoire pour déceler les porteurs potentiels dont on est en droit de penser qu’ils sont plus nombreux que ne le disent les statistiques officielles. Les motifs de ces doutes gisent dans les cas de contamination dits communautaires : ils constituent la preuve que le virus circule chez des sujets porteurs (asymptomatiques ?), ceux-là mêmes qui contaminent les cas dits communautaires. En l’absence de dépistages réalisés à travers un ciblage intelligent et à une échelle suffisante, ces autres porteurs pourraient continuer à circuler en toute liberté, avec les graves conséquences fâcheuses qui pourraient en résulter. C’est pourquoi l’OMS (organisation mondiale de la santé) a enjoint aux états membres : « Testez ! testez ! testez ! »
De plus, les pays européens, asiatiques et américains finiront bien par sortir de leur confinement et rouvrir leurs frontières, avec des conditions drastiques. Déjà la France exige la production d’un certificat pour entrer dans son territoire. Selon toute vraisemblance, ce certificat devra prouver l’immunité acquise du sujet, ce qui revient à dire, en l’absence de vaccin, un sujet qui a été en contact du virus et qui a développé des anticorps. Peu de Sénégalais satisfont pour le moment à un tel critère. Il est aussi à craindre que cette exigence soit généralisée aux autres pays occidentaux ou asiatiques. Des temps de restriction de circulation plus drastique qu’avant le Covid19 attendent donc les populations africaines. Mais, plus grave, en l’absence d’une immunité de groupe, les pays africains qui n’ont pas mis en place des outils puissants de détection et de confinement des seuls porteurs risquent de se retrouver dans la même situation qu’au début du mois de mars, dès l’ouverture de leurs propres frontières.
On voit donc le drame qui se dessine devant nous : la fermeture des frontières a permis de limiter l’intrusion du virus. Mais il n’est pas pensable de les garder éternellement closes. Quelle stratégie pour se protéger d’une vague plus virulente quand les pays en avance auront développé des méthodes de contrôle de l’épidémie et que des porteurs sains en provenance de ces pays recommenceront à circuler en Afrique ? Car, il n’est pas tenable de se cloîtrer indéfiniment à l’intérieur de nos frontières.

Le gouvernement ne semble pas être pris dans ce dilemme existentiel. Des questions plus triviales échappent à son attention : les tests à grande échelle, nous l’avons dit ; mais également les masques, la mise en œuvre effective des gestes barrières dans les marchés, les quartiers populaires, le relèvement du système sanitaire qui souffre, non pas d’une grippe passagère, mais d’un virus de la race du HIV. Les plus hautes autorités de l’Etat sont sujettes à une forme incurable d’infantilisme qui les poussent à verser dans la gesticulation médiatique quand des actes forts sont requis : distribuer des repas à des militaires en service (ce que les règles doivent normalement prohiber) et donner un exemple à la fois de violation des gestes barrières et du couvre-feu n’est pas une fine idée, sauf pour qui n’a rien de mieux. Le gouvernement devrait tirer les leçons de ses ersatz de politiques en matière de santé : en huit ans le nombre de lits d’hôpitaux est resté stationnaire, les pannes d’équipements cruciaux (de radiothérapie) ont tenu l’opinion en haleine, le Sénégal compte un nombre effroyablement bas de respirateurs, on pourrait continuer le diagnostic sur des pages entières, par exemple sur la motivation anémiée des personnels de santé en raison de leurs conditions de travail.
La pandémie nous condamne à nous ressaisir et à changer un mode de gouvernance orienté vers la mise en scène et l’autoglorification. La crise planétaire a mis à genoux des pays vers lesquels nos gouvernants se tournent dès qu’ils souffrent d’une petite grippe saisonnière ou doivent subir un contrôle de routine. Pour solide qu’il soit, le système sanitaire français a été submergé par la logique mercantile qui a poussé les régimes successifs à désinvestir dans la santé mais aussi de l’impéritie de gouvernants qui n’ont pas voulu voir le danger Covid19. A contrario, elle a été l’occasion pour des peuples hier regardés de haut de donner la mesure de leur sagacité, de leur rigueur et de leur ingéniosité (Singapour, Corée du sud) au point d’inspirer ceux qui se prenaient pour l’alpha et l’oméga de la civilisation. Où nous situons nous entre ces deux groupes ? Nulle part, nous sommes hors de cette échelle, nous sommes d’une catégorie à part : des pays où disposer d’un acte de naissance est une gageure, où des citoyens par millions n’ont jamais mis les pays dans un hôpital, n’ont pas accès à l’eau, ne savent ni lire ni écrire.
Le temps de la posture est révolu. Il nous faut d’urgence un plan de sortie de crise et, plus globalement, un plan de sortie du sous-développement moral, intellectuel et économique. Plus que jamais notre survie, dans un monde lourds de dangers, où la solidarité entre pays d’un même espace économique apparaît comme un vain mot, dépend de nos choix et de nos actes.

Author: La Rédaction

397 thoughts on “COVID19 : Il Nous Faut Un Vrai Plan De Gestion De L’épidémie

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