LA CROISADE PATHETIQUE

Il s’était présenté comme l’archétype du nouveau dirigeant africain, porteur de modernité, de rationalité politique et surtout d’émergence économique. Il a, huit ans durant, écumé les sommets du Monde pour vendre une autre Afrique en gestation, où le Sénégal, sous sa houlette éclairée, traçait les sillons de l’émergence. En ces temps-là, Macky Sall passait pour l’oracle des assemblées générales de l’ONU, des sommets du G20 ou des fora à la Davos où, paraît-il, il épatait son monde sur les performances du Sénégal, dont les taux de croissance de l’économie faisaient des jaloux.
Retour sur terre en ces temps de pandémie mondiale. On entend toujours que le seul Macky Sall sur la Presse internationale. Cette fois il emprunte à Samba Diallo du roman l’Aventure ambiguë, sa voix chevrotante et sa formule déchirante d’appel à l’aide, multipliant les arguments à fendre les cœurs endurcis s’il en est des créanciers internationaux. Sa prose se veut pathétique et rationnelle en même temps. Elle tient en un syllogisme trivial : si l’Afrique explose, le Monde ne s’en remettra point. Or l’Afrique, qui ploie sous une dette massive, ne résistera pas à l’impact du Covid19. Donc il faut effacer la dette de l’Afrique dans l’intérêt du Monde.

Le problème est que ce même Macky Sall était il y a peu le chantre de l’endettement : « aucun pays au monde ne s’est développé sans s’endetter ! Cela n’existe pas ! D’ailleurs les pays développés ont des ratios de dette sur PIB beaucoup plus élevés que les nôtres. On s’endette pour rendre nos pays plus résilients. » Et pour clore le bec des oiseaux de mauvais augure qui, comme des poules mouillées redoutaient la dette, il ajoutait : « les créanciers ne sont pas des philanthropes. Ils nous prêtent parce qu’ils savent que nous pouvons rembourser ! ». Ainsi parlait Macky Sall devant les cadres de l’APR et en diverses autres instances. Son ministre des finances de l’époque, le toujours mielleux Amadou Bâ, renchérissait : « notre signature est tellement excellente que pour le dernier Eurobond, les souscriptions ont dépassé notre demande. Les taux d’intérêt sont parmi les plus favorables de la région Afrique ».
Dès lors, pourquoi l’effacement de la dette est-elle devenue tout d’un coup une question de vie ou de mort, au point où Macky Sall ne pense plus qu’à ça ? où sont donc passés les plus de 6500 milliards de FCFA reçus durant les huit ans que Macky dirige un pays qu’il avait promis de mettre sur les rails de l’émergence ?
Cet argent est dans les… rails du TER, dans les immeubles de Diamniadio, les centres, les arènes. Qui se promène du côté de Diamniadio ces jours croit voir un immense parc d’attraction fermé pour cause de confinement, comme Disneyland-sur-Sénégal déserté de ses visiteurs. On dirait un immense jouet pour enfant, monté comme un Lego démentiel puis abandonné à la poussière, à la rouille, aux passants. Des câbles métalliques ont été arrachés par des vandales sur le projet de TER. Triste destin pour le train du siècle de commencer sa carrière par la casse ! Le Centre de conférences de Diamniadio, destination prisée de Macky Sall, reste désespérément fermé, sans aucune utilité possible malgré son coût faramineux de plus de 45 milliards sur dettes, comme il se doit ! Avec le Dakar Arena, ils sont les symboles de ces parlais de Versailles tropicaux que le Président Soleil a donné à un peuple qui est affligé des plus faibles indices de développement sociaux sur terre : nombre de lits d’hôpital ou de médecins par milliers d’habitants, accès à l’eau, à un habitant décent, à des marchés modernes.
Macky Sall a raison de s’inquiéter des conséquences possibles de la pandémie sur l’Afrique en général, le Sénégal en particulier. Il est à la meilleure place pour en prévoir les conséquences dévastatrices. Et pourtant, les mêmes causes produisant les mêmes effets, Macky Sall ne change en rien sa politique comme le prouve la saga de la distribution des vivres. L’effacement de la dette, serait un moyen de se donner les ressources pour persister dans sa politique d’éléphants blancs si lucrative pour certains. En effet, si les instincts humains et la compréhension des créanciers auxquels il en appelle pour obtenir l’annulation de la dette l’habitaient, Macky Sall aurait trouver les moyens de revigorer les filières de production locales (en particulier la riziculture, l’horticulture) plutôt que de dépenser des sommes faramineuses à importer un riz qui pourrait ne plus être disponible sous peu.

Author: La Rédaction

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