Leaders En Temps De Pandémie (Série 2/6)

PROFESSEUR DONALD ET PRESIDENT TRUMP : LE SALAIRE DE L’INCOMPETENCE EN CHEF

Sunupost livre le deuxième jet des portraits de leaders en temps de crise exceptionnelle. La première livraison a permis de montrer comment le leadership chinois, pris de court et tétanisé par l’irruption de l’épidémie, se sont ressaisis et ont circonscrit le fléau en un temps qui force l’admiration ou la jalousie. Non sans avoir transmis le mal au reste du Monde. Averti du précédent chinois, Donald Trump, le leader le plus puissant de la Terre, aurait dû en valoir…deux. On découvre que malgré le recul qu’il avait sur Xi-Jinping, Donald Trump a pour ainsi dire livré les Etats-Unis au Covid19.  

Tout Président des Etats-Unis d’Amérique en rêve : jouir d’un concours de circonstances pour revêtir l’uniforme du commander-in-Chief et entrer dans l’Histoire par la grande porte. Cela suppose forcément des circonstances exceptionnelles ou tragiques : une crise majeure, une guerre, les Etats-Unis attaqués (ce qui est de moins en moins probable). Sans remonter à Georges Washington ou Benjamin Franklin, Abraham Lincoln ne serait pas devenu le dieu vivant du Panthéon américain sans la guerre de sécession (un drame épouvantable a priori) et la césure sur l’abolition de l’esclavage. Franklin Delano Roosevelt est devenu plus grand qu’un humain pour avoir guidé les USA durant la seconde Guerre. L’écho de son fameux discours au peuple américain à l’occasion de cette Guerre traversera les âges : « la seule chose dont il faut avoir peur, c’est la peur elle-même ». Quant à John Fitzgerald Kennedy, son passage fulgurant à la Maison blanche restera l’un des plus retentissants en raison notamment de la crise des missiles cubains.

A contrario, Georges W. Bush, sous l’emprise de la pire bande de politiciens néoconservateurs, entreprit après les attentats du 11 septembre 2001 une des guerres les plus injustes, les plus cruelles et attentatoires aux principes élémentaires de droits humains. Alors que le Monde unanime compatissait avec les Etats-Unis victimes du terrorisme, il lança son armée effroyable sur l’Afghanistan et, de façon plus incompréhensible, sur l’Irak et ses champs pétroliers. De sombres desseins l’animaient en ce moment-là, la vengeance et le lucratif business de reconstruction de l’Irak après qu’il l’aura détruit. Le nom de « Double U » restera rattaché aux heures noires de l’épopée humaine ainsi qu’à des lieux désormais synonymes du summum de la cruauté : Guantanamo, Abou Grahib, Falloujah. L’Almanach de l’horreur ouvert par Georges W. Bush n’en finit pas de se dérouler depuis bientôt deux décennies, chaque jour apportant sa moisson d’épouvantes en Afghanistan, en Irak ou quelque part dans la sous-région.

Les Américains ne tiendront pas rigueur à Bush-le-Petit pour ces destructions apocalyptiques et ces pays ravagés pour des raisons inaccessibles à la raison, pas plus qu’il ne viendra à l’idée de la Cour Pénale internationale de lui demander des comptes – l’Amérique est la Nation indispensable, qui relève du droit divin. Non, c’est l’ouragan Katrina qui éclaboussera sa réputation de leader, par le peu d’empathie dont il fit montre en ces circonstances. Empathie ? Demander donc aux Irakiens…

L’actuel locataire de la Maison blanche, qui aime à se faire filmer derrière le Resolute Desk du Bureau ovale, veut prouver à son monde, à travers ce décor, qu’il mesure les enjeux pour son legs à la postérité des décisions qu’il signe sur ce meuble chargé d’Histoire. Son scénario paraissait tout écrit et se déroulait d’ailleurs à la perfection, pour son plus grand bonheur et sa cote de popularité intacte dans les sondages. Donald J. Trump, qui se flatte sans modération d’être un authentique génie, avait trouvé dans l’héritage économique florissant de son prédécesseur, Barak Obama, un formidable filon pour assurer sa postérité politique. Il prétendait, jusqu’au mois de mars dernier, avoir bâti la plus formidable Economie de l’Histoire, en seulement trois ans. L’Amérique c’est le Mayflower et Trump, et le vide entre les deux. Il était à lui-même sa fabrique de légendes – on n’est jamais mieux servi que par soi-même-, ne voulant laisser aucune chance aux historiens de métier.

Ses méthodes primitives semblaient produire quelques effets sur une partie de l’opinion qui lui passait tout, y compris ses échecs cuisants : il avait promis un mur pour endiguer la seule invasion que les USA pouvaient redouter, les migrants. Ses gesticulations avec la Corée du Nord n’ont abouti à rien, si ce n’est de donner un peu plus de carrure à Kim Jong-Un. Il a été contraint à la désescalade avec l’Iran après son coup de sang qui a emporté le Général Qasem Soleimani. Tout dernièrement, il s’apprêtait à signer un armistice dans sa guerre commerciale avec la Chine, dont il avait redécouvert les qualités et qu’il magnifiait à travers des tweets pas plus tard qu’en ce mois de mars 2020. C’est à la magnanimité d’un Sénat partisan qu’il a échappé à un Impeachment en dépit des preuves flagrantes contre lui. Pour moins que cela, Richard Nixon avait été contraint à la démission. Les valeurs morales ont subi une profonde décote, y compris en Amérique. Mais cette Bourse-là ne compte plus bien lourd dans le monde.

Bunkerisé dans la forteresse Amérique, Donald Trump – qui n’a pas le défaut de se prendre pour un Commander-in-Chief mais assurément pour un génial capitaine d’Economie – surveillait la bourse et sa cote de popularité, consacrant peu de temps aux briefings présidentiels journaliers que lui faisaient ses services de renseignements, une armée tentaculaire qui espionne le Monde entier en temps réel. Il n’avait rien voulu faire des consignes de son Prédécesseur transmises lors de la passation de service : puisque les USA ne peuvent redouter une invasion armée, que le terrorisme est plus ou moins sous contrôle grâce aux moyens de surveillance qui dépassent l’armée d’un pays du Tiers Monde, la vraie menace est dans les pandémies, le réchauffement climatiques et marginalement les attaques électroniques.

Il apparaît que le Président Trump n’est pas homme à écouter, ni Barak Obama, ni son proche entourage. Les changements continuels dans cet entourage, où ne figurent presque que des intérimaires, est un indicateur troublant sur la faculté de l’Homme Trump à sortir de sa personnalité d’animateur d’émissions de téléréalité pour endosser le lourd costume de Président de l’unique superpuissance mondiale. Un signe clinique des troubles de personnalités qui l’affectent est qu’en moins de 4 ans, il a usé des centaines de collaborateurs proches, à tous les niveaux de responsabilités, aux postes les plus sensibles, se querellant avec tous. Pour la première fois dans l’histoire des USA, la First Lady a exprimé (et plusieurs fois) des désaccords avec des décisions de son mari de Président. Le Pr Trump est si querelleur qu’on peut parier que si Mike Pence est encore vice-Président, c’est grâce à la Constitution, Donald Trump ne pouvant le destituer. Donc le PR Donald Trump n’écoute et n’entend que le génial Pr Trump Donald, et malheureusement pour son Pays, les rares personnes à l’impressionner sont des étrangers : Vladimir Poutine et Kim Jun Un, allez chercher pourquoi.

A l’irruption de la pandémie mondiale due au corona virus, le bâtisseur du plus grand mur après la grande muraille de Chine s’enferma dans une citadelle de dénis. Les chefs de ses services de renseignements, échaudés par des purges récurrentes, tout comme ses collaborateurs choisis désormais pour leurs capacités à se montrer serviles avec le Boss, eurent du mal à lui passer le message sur le fléau grave qui pourrait s’abattre sur les Etats-Unis. La presse américaine, en particulier le New York Times et le Washington Post, ont produit des enquêtes documentées sur les tentatives infructueuses de ses services de renseignements, de ses ministres, de ses conseillers à lui prodiguer des informations cruciales sur les risques auxquels s’exposaient les USA si les mesures les plus urgentes n’étaient pas prises. De peur d’affoler la sourcilleuse Bourse par de mauvaises nouvelles et de ruiner la « plus prospère Economie jamais bâtie », le Président Trump ignora de Janvier à mars les informations faisant état d’une épidémie épouvantable qui ravageait la Chine. Même lorsque le fléau frappa l’Europe, que l’Italie et l’Espagne furent touchées frontalement, le réflexe de businessman ne laissa pas en Trump de place pour une autre option que la politique de l’autruche.

Précisément, le Président se métamorphosa en Chaman de la Grande tribu des Amériques. Voici le Professeur Donald, un brin magicien quand il prédit la disparition miraculeuse du mal à la Pâque, un peu épidémiologiste quand il polémique avec les plus éminents professionnels, et accessoirement ses conseillers personnels, sur la possibilité d’une seconde vague à l’automne ; et par-dessus tout, grand virologue quand il prescrit en direct à la télévision, à tout malade du Covid19 qui souhaite un prompt rétablissement, l’hydroxychloroquine.  Un couple de personnes âgées, qui boit la parole présidentielle comme de l’eau bénite, prit un peu trop à la lettre les prescriptions du Professeur Donald. Le couple avisa la mention Hydroxychloroquine phosphate sur une boîte et s’en administra une bonne dose. L’homme en tomba raide mort, la dame finit aux urgences.

Ces mésaventures ne sont pas de nature à refroidir le Professeur Donald qui ne rate aucune occasion pour célébrer son propre génie (héréditaire semble-t-il), par exemple devant un parterre d’authentiques génies. C’était lors d’une visite dans l’un des sites du CDC (Centers for Disease Control and Prevention).  Le CDC est une énorme armée de plus de 12 000 employés (plus que l’effectifs des forces de sécurité de nombre pays d’Afrique individuellement pris), au budget annuel supérieur à 12 milliards de dollars (donc 20% de plus que le budget général du Sénégal). Les spécialistes parmi les plus émérites de la Terre s’y consacrent à la lutte contre le bioterrorisme ou les pandémies. Cette « force phénoménale, gigantesque, incomparable » comme dirait le Pr Trump se préparait depuis la pandémie du SRAS de 2003 à la prochaine propagation, à l’échelle du globe, d’un germe mortel. Le CDC a joué un rôle crucial, sous le leadership du Président Barak Obama à la lutte contre Ebola. A l’époque, la doctrine était de « contenir le mal à la source, l’étouffer dans l’œuf ». Il est vrai que le Dragon chinois est plus retors et moins coopératif que les pays de l’Afrique de l’Ouest qui n’avaient de toutes les façons guère d’autres options que de se faire assister.

Justement où sont passé le CDC et les autres institutions américaines ? Où est passée la vitalité prodigieuse des institutions américaines que Barak Obama célébrait au Siège de l’Union Africaine ? On touche ici au cœur de la dialectique de l’individu et du groupe, des institutions et de leurs dirigeants.

Il faut bien croire que les USA se sont laissé intoxiquer par un virus insidieux depuis l’arrivée de Trump qui a davantage révélé le détournement de cette superpuissance par des intérêts privés. Les circonstances de son élection (avec une présumée ingérence russe), qui auraient dû permettre au Législatif et au Judiciaire de jouer leurs rôles, ont au contraire servi à Donald Trump pour mener une lutte sans rémission et avec une rare inélégance contre ceux qui avaient la charge de conduire les investigations sur « l’affaire russe ». Depuis ce péché originel jusqu’à son récent impeachment, toutes ses turpitudes ont servi au Président de mener des guerres personnelles revanchardes, s’appuyant sur un Sénat où son alter ego, Mitch McConnell, lui apporte une onction en blanc-seing à ses fautes passées, présentes et à venir. Les deux hommes ont marié leurs destins politiques, pour le pire en ce qui concerne le Peuple américain. Un peu comme Macky Sall et Moustapha Niasse. La majorité au Sénat a couvert les agissements les plus inavouables ou nauséeuses de Trump, ses purges qui ont frappé tous ceux qui, pour reprendre Macky Sall, ont mis la Patrie américaine avant la Trump Compagny.

Que l’Amérique, qui a vu venir la pandémie quand elle était en transit en Europe, soit restée les armes aux pieds au moment où l’ennemi débarque, est un désastre pire que Pearl Harbour. La plus phénoménale puissance de l’Histoire totalise bien plus de morts que lors de la guerre du Vietnam, face à un ennemi dont l’invasion était annoncée par tous les experts américains ainsi que par l’OMS.  La plus grande Economie qui ait existé est mise en mode veille, au fond non par le Corona virus, mais par l’auto-sabordage de son leadership, le Président et ses sénateurs amis en tête. Ils ont beau chercher des boucs émissaires, comme toujours, cette fois-ci la tragédie est trop grave pour se défausser sur le Mexique, l’Iran, la Chine (dont la responsabilité est certes gravement engagée dans la dissémination du SRAS-Cov19), la Presse américaine, l’administration Obama. Nul artifice oratoire ne saura masquer cette réalité criante que la première puissance mondiale a chuté là où des pays comme la Corée, Taïwan, Singapour, la Suède et l’Allemagne ont réussi.  Le Soleil se lève au sud ! Par la faute du Chaman Donald Trump.

Le Pr Trump en est conscient qu’il n’en dort plus de la nuit, obnubilé par l’Histoire qui s’écrit en direct sur les chaînes de télévision. Il vient de réaliser, comme l’a dit avec sagesse son conseiller Anthony Fauci sur une des chaînes, que l’actualité présente sera l’histoire de demain, que le rôle de chacun sera analysé par la postérité. Alors, le Président reprend ses manies de Professeur en médecine. Son occupation unique, lui le Commander-in-Chief par temps de guerre, consiste à un exercice quotidien de réécriture de l’histoire, en Prime time sur les grandes chaînes d’information, pour redonner de la couleur à son image. Le résultat obtenu est à l’exact opposé, depuis qu’il a suggéré d’injecter dans les poumons des malades du Covid19 des désinfectants pour les nettoyer du virus. Et accessoirement de la vie. Les dernières illusions roses que pouvaient susciter le Pr Donald ont été totalement déteintes par ce traitement qui fait ricaner la planète.

Le plus tragique est que non seulement Donald Trump n’a pas sauvé l’Economie (cause pour laquelle il avait minimisé les risques de la pandémie) mais il a déjà perdu la guerre contre le Covid19. L’Amérique a perdu confiance en sa toute-puissance par sa faute, et se découvre fragmentée en mille morceaux qui seront difficilement réconciliables. On découvre des foyers, surtout des Africains américains et des Hispaniques, sans eau courante parce qu’ils n’arrivaient pas à honorer leurs factures avant la pandémie, dans cette Amérique si florissante de Trump. On découvre que les minorités paient un tribut disproportionné à la grande faucheuse. On découvre des américains de diverses communautés réduits aux banques alimentaires par une épidémie de chômage de masse aussi ravageuse que le Covid19.

Ainsi se terminera, à moins que les USA n’en décident autrement en renouvelant le bail avec le Pr Donald, le règne de celui qui avait promis « de faire taire les rires du reste du Monde aux dépens des USA ». Il a failli y parvenir, car de rire, le Monde a failli mourir sous le coup de l’affaire des détergents qui est le clou d’une tragicomédie qui fait perdre la face aux Etats-Unis depuis bientôt 4 ans.

Lorsqu’ils se pencheront sur leur Histoire, la figure de Donald Trump s’imposera immanquablement aux Américains des prochaines générations, mais au registre des heures les plus sombres et honteuses. Il aura réussi une prouesse, son patronyme restera synonyme de décadence car ses actes auront été exceptionnels de médiocrité. Osons paraphraser un penseur célèbre – sans toutefois commettre le crime de lèse-capitalisme de citer son nom : « On ne pardonne pas à une nation, pas plus qu’à une femme, le moment de faiblesse où le premier aventurier venu a pu leur faire violence ».

Les Etats-Unis, l’une des nations les plus formidables de richesses humaines, de compétence, d’audace, doit à son système électoral, qui n’admet que les riches et ressemble trop souvent à un concours de beauté, cette perversion où le moment de choisir est une joute de phrases assassines, de flatteries des instincts populistes et non d’échanges de programmes et de d’évaluation sérieuse des candidats. Un système qui élimine très souvent les meilleurs : Al Gore, Bernie Sanders pour citer les plus récents. Quand de tels systèmes en arrivent à placer Trump (ou ses clones comme Jair Bolsonaro ou Viktor Orbàn) sur la même scène que Xi-Jinping, la démocratie en pâtit car on peut se demander si elle est vraiment le moins mauvais des systèmes.

Author: La Rédaction

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