Leaders En Temps De Pandémie (Série 1/6)

Face à la pandémie mondiale, les ripostes des Etats diffèrent notoirement, pour le meilleur ou le pire de leurs populations. A l’aune de l’efficacité des stratégies de mitigation (puisqu’il n’y a pas encore de traitement ni de vaccin approuvés), les lignes de fracture entre les pays redessinent (provisoirement ?) la carte du Monde, entre ceux qui s’en sortent bien voire très bien (Taïwan, Corée du Sud, Singapour, Cuba), la seconde cohorte de ceux qui pour le moment s’en tirent assez bien (Ethiopie, Maroc, Allemagne, Portugal…) et les autres pays frappés de plein fouet. La surprise vient de ce qu’au rang de ces derniers pays figurent quatre des cinq puissances mondiales, membres permanents du Conseil de sécurité de l’organisation des Nations Unies !
A cet égard, l’un des premiers enseignements de cette pandémie est que la capacité de riposte des pays n’est pas seulement corrélée au niveau de développement économique des Etats, au nombre de médecins, de laboratoires de recherche, aux infrastructures sanitaires. Car à cette aune là, les Etats-Unis ou la France qui se targuent d’être les meilleurs au monde en matière de santé, ne seraient pas au premier rang du hit-parade des pays ayant enregistré le plus de morts. En sus de leurs bilans humains épouvantables lors de cette pandémie, des pays comme les Etats-Unis d’Amérique, le Brésil, le Royaume Uni de Grande Bretagne partagent aussi une autre caractéristique : La personnalité singulière du Commandant en chef qui dirige la « guerre contre le Covid19 » selon l’expression favorite de la majorité de ces chefs d’Etat.
La galerie de portraits que Sunupost dresse sur plusieurs livraisons montrera comment des leaders ont mené par leur impréparation, leur style de gouvernement, leur personnalité propre, des démocraties en déroute face à l’ennemi invisible ou au contraire, préservé des dictatures de la catastrophe annoncée. On y retrouvera des Africains effarés, qui, comme le peuple des maquis ou les adeptes de Bokko Haram, ont recours aux potions magiques pour se protéger des « balles » de SRAS-Cov19 (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère-Coronavirus 2019).

I- XI-JIPING, L’HOMME PAR QUI LE MALHEUR EST ARRIVE
La Chine avait connu un premier avertissement en 2003. Déjà, c’était un Corona virus, qui attaquait le système respiratoire. Le virus serait parti en novembre 2002 d’un marché à bestiaux de la province Guangdong pour se répandre à travers la Chine. Les structures sanitaires tendent à être débordées et les personnels contaminés. C’est de cette façon que le virus débarque en février 2003 à Hong Kong, porté par un médecin chinois. Ce médecin contamine dans son hôtel – le Métropole – 16 personnes de nationalités différentes. En 48 heures, le virus voyage à travers la Planète. Le Monde en fut traumatisé.
A l’époque déjà, le culte du secret de l’Etat chinois n’avait pas facilité la bonne information de la communauté internationale. La province de Guangdong était frappée, des hôpitaux touchés mais la ligne officielle demeurait : rien à signaler. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ne fut informée qu’à contrecœur, et bien évidemment, avec une forte longueur de retard sur le virus. En effet, ce n’est que plusieurs longues semaines après le début d’une des plus graves épidémies depuis des décennies que l’OMS fut informée. Elle lança à son tour une alerte mondiale le 12 mars 2003. La loi du silence inscrite dans l’ADN du parti communiste chinois coûtera au monde des centaines de vies, cependant la virulence de ce corona virus précurseur était telle que le mal fut circonscrit dans les différents pays touchés au bout de quelques mois. Le virus eût-il été plus virulent et mortel, sans doute que l’impact sur le monde aurait été plus retentissant. Nous y voilà malheureusement en 2020.
En effet, le scénario précédent ressemble à s’y méprendre à celui de la pandémie actuelle, le Covid19 provoqué par le SRAS-Cov19. Au point où l’on peut se demander comment la Chine a pu laisser prospérer un marché gigantesque d’animaux sauvages dans la ville de Wuhan, d’où se serait échappé le nouveau corona virus. Cette fois encore, le même reflexe de confinement de l’information, à ne pas laisser transpirer sous aucun prétexte. Alors que les normes de l’OMS font obligation d’informer l’Organisation de toute irruption d’épidémie, et particulièrement d’une forme inconnue et donc potentiellement plus grave, les autorités locales chinoises observent la loi du silence. Les médecins qui veulent informer de la catastrophe qui se lève sont réprimandés et menacés. Comme en 2003, un temps précieux est perdu pour sauvegarder le dogme d’infaillibilité du Parti communiste chinois.
Néanmoins, le reste de la planète va découvrir très vite que l’usine du Monde, la Chine, est gérée par un Comité Exécutif qui a la mentalité d’un gouvernement d’entreprise. Habitué à scruter les indicateurs de divers ordres qui renseignent chaque jour sur l’état clinique de ce colosse encore fragile qu’est l’Empire du milieu, les dirigeants chinois réagissent comme dans une salle des opérations d’une Bourse en pleine tempête. Les premières sueurs froides essuyées, Xi-Jinping et ses six autres collègues du Comité Permanent du Parti Communiste Chinois (PCC) ont pris les choses en main. Une main du fer dont sont faits la faucille et le marteau, emblèmes du PCC. Au paroxysme de la tempête, les observateurs noteront un effacement relatif du Leader charismatique Xi-Jinping au profit du groupe, façon de le prémunir en cas d’un échec grave. Même s’il ne s’expose pas sous la lumière glauque de la catastrophe pour tirer en escompter des dividendes éventuels, tout le monde sait à qui on dira merci en cas de victoire. Il serait intéressant de comparer avec Donal Trump qui, à force de s’exposer chaque jour en prime time sur les chaînes de télévision des USA, s’est grillé par une forte dose de rayons ultraviolets et intoxiqué par une injection léthale de désinfectant. Il est vrai que Donald Trump est en campagne électorale à peine déguisée par temps de Corona virus.
Donc Xi-Jinping n’a pas eu besoin de loi d’habilitation comme Macky Sall pour mettre une province de plus de 60 millions de personnes sous confinement. Et encore, il ne s’est pas agi de mesurettes ouvertement défiées par des confréries religieuses. Qui aurait d’ailleurs idée de sourciller au vu du traitement réservé aux Ouïgours et aux dissidents politiques. Des villes furent mises sous quarantaine, leurs quartiers quadrillés, les immeubles sous surveillance de drones assistés par des humains (à moins que ce soit l’inverse) ; les résidents épiés à travers des systèmes de surveillance de masse intrusifs et omniprésents. On crut remonter le temps, pour se retrouver dans le Monde décrit dans le Roman 1984. Big Brother contre le Corona virus. L’usine du monde tourna en plein régime sous la férule de son Comité Exécutif qui s’y connaît en économie de guerre.
Le Monde fut épaté par la démonstration de force. Ce n’était plus seulement une épidémie, c’était également une guerre menée en direct, que la Planète entière suivait. Un hôpital fut construit en huit jours. Les tets, les masques, les équipements de protection des personnels de santé furent produits en un rythme démentiel provoquant la sidération des dirigeants occidentaux dont les stocks étaient faméliques. Les détergents (dont le Président Trump semble seulement découvrir l’utilité) furent déversés par quintaux dans les rues. On n’est pas l’usine du monde pour rien.
Pour l’heure, il semble que Big Brother, quoi pris au dépourvu, a repris le dessus.
Tel Lazare, le leadership chinois semble émerger de la tombe dans laquelle l’avait enterré un peu trop vite certains Occidentaux. Pourtant ils auraient dû savoir que l’Empire du milieu, depuis des millénaires, renaît de ses cendres avec de nouvelles têtes comme un dragon qui veille sur la Cité interdite. Les Chinois ne semblent pas peu fiers de leurs performances, même si le reste du Monde paie cher le temps qu’ils ont perdu avant de déclarer l’épidémie. Par un curieux retournement de situation, la Chine pratique même la diplomatie de l’assistance pour juguler une pandémie, qui n’aurait peut-être pas eu lieu si les immenses marchés à bestiaux au cœur de ses immenses agglomérations urbaines avaient été éradiqués après le SRAS de 2003. Cependant, le sens politiques des maîtres de la Chine ne déteint pas sur les populations, au vu du traitement honteux infligé aux ressortissants de l’Afrique Noire par ceux-là même par qui la pandémie est arrivé. Qu’en serait-il si le SRAS-Cov19 était parti d’Afrique ?
Si pour l’heure Xi-Jinping a quelque répit, il songe à la prochaine bataille, en fin stratège nourri à l’Art de la guerre de Sun Tzu, un vénérable livre écrit il y a un millénaire. Il ne manque pas de puissances mondiales à voir en lui un bouc émissaire parfait. Jamais la notion de péril jaune, si prégnante dans certains milieux occidentaux, n’a eu autant de consistance, notamment chez les néoconservateurs américains. Déjà, l’ami de Kim Jong Un, Donald Trump, lui a envoyé des tirs de sommation, en attendant de finir d’en découdre avec le virus « chinois ». Le Président américain a été imité par Emmanuel Macron et Boris Johnson. Mais en Chine, il est plus commun de trouver un Dragon à envoyer en émissaire dans les déserts chargés de ses fautes qu’un bouc. Et, on l’a vu, le dragon a plusieurs vies. Comme Xi-Jinping, plaint en janvier, adulé en mars (par des tweets admiratifs), stipendié en avril. On en reparlera à l’hivernage prochain.

Author: La Rédaction

346 thoughts on “Leaders En Temps De Pandémie (Série 1/6)

  1. C’est vraiment bien et rafraîchissant ! Intellectuellement nourrissant. Quelle belle plume ! Quelle perspicacité dans l’analyse !
    Cheikh

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